Le diagnostic

 L'on entend souvent dire qu'il faut profiter de la vie à chaque instant. Apprécier les moments de bonheur qui passent. Aujourd'hui, je comprends parfaitement cela... Je vous le dis, l'on ne sait jamais quand la vie va basculer. Du jour au lendemain. Et on se demande ensuite qu'est-ce qui, par le passé, pouvais bien nous rendre malheureux ? Cela m'est arrivé. En octobre 2009. Une coupure dans ma vie. Un événement tellement douloureux que je savais, dès le moment ou j'ai appris, que je ne serais plus jamais la même. Ma vie jusqu'à présent n'a pas toujours été de tout repos : beaucoup de creux mais aussi de grandes joies. J'étais comme un roseau qui se balançait au gré du vent. Me laissant porter au lieu de prendre prise sur les événements de ma vie. Tout ça pour dire que, à 35 ans, la vie m'a marquée. Et que je croyais que le malheur en avait fini avec moi. Qu'après toutes ces peines, plus rien ne pouvait m'arriver, à part les petits tracas quotidiens. Mais une douleur intense a envahit mon coeur pour toujours. Je ne me suis jamais sentie légère dans ma vie, trop concentrée que j'étais à assurer ma survie. Mais maintenant, un poids d'une lourdeur épouvantable s'est logé dans mon âme.

Ma fille est tombée malade. Une petite fille de 18 mois qui se développait très bien s'est mise à régresser. En octobre 2009, le diagnostique tombe : elle a le syndrome opsoclonus myoclonus. Une maladie très rare qui affecte 1 enfant sur 10 millions ! Dès que le neurologue a annoncé la nouvelle, je savais que plus rien ne serait pareil. Et je ne voyais encore que la pointe de l'iceberg. Un cauchemar. Il m'arrive de repenser, aujourd'hui, à ce moment et je me souviens exactement de tout ce qui s'est dit. De tout ce que j'ai ressenti. Mon coeur qui s'est arrêté, le visage du neurologue qui semblait ne rien ressentir, la douleur qui s'est propagée dans mes veines et à travers mon corps et finalement, l'engourdissement. Les pensées qui s'arrêtent pour ne se concentrer que sur ce mot : opsoclonus myoclonus. La vie qui prend une pause et la pièce qui rétrécit pour se focaliser sur moi. L'angoisse. Quand je repense à ce moment, j'ai aussi mal que la première fois. Je me souviens avoir dit au papa, lorsqu'on est remonté à la chambre : Écoute, nous sommes tellement chanceux que l'on devrait se prendre un billet de loterie ! Et de me mettre à rire ensuite comme une démente, sans pouvoir m'arrêter. Notre esprit réagit drôlement. Ça ne se pouvait juste pas tout ça ! J'en avais pas assez vécu comme ça ? Non mais, quand est-ce que l'on allait me lâcher ?  Et ma fille ? Ça ne se pouvait pas ! Elle était trop belle, trop drôle, trop intelligente ! Non, pas ma fille ! Non, non... pas elle. Pas moi. Pas nous. Ma vie s'est arrêtée. Celle de ma fille aussi. J'aurais voulu que ce soit moi et non elle.

Dans le tourbillon qui s'est ensuivi, je n'ai plus eu l'occasion de ressentir. Je puisais à même une énergie que je n'avais pas. Aujourd'hui, je crois que c'est Dieu qui me supportait. Il y a eu les séjours à l'hôpital, les examens, les piqûres, les médicaments, les traitements... La vie qui change, les demandes d'aide, de ressources et quoi d'autres encore ! Je devais m'occuper de ma petite fille qui ne marchait plus, qui ne s'assoyait même pas toute seule, qui ne mangeait plus par elle-même, qui ne dormait plus et qui était toujours en crises. J'étais une automate. Un corps qui bougeait dans un esprit vide. Et mon corps bougeait tout le temps, ne trouvant jamais le repos. 

Mai 2010. Tout ça est encore très difficile. J'ai maintenant quelques moments de repos. Mais je sens mon corps fatigué. J'ai vieilli. Il y a des épreuves qui marquent. Celle-là en est une. Il y a différentes étapes à un deuil : 

1. Choc ou déni : cette phase est très courte. C'est lorsque l'on apprend la perte. Les émotions semblent absentes. La réalité qui s'ensuit est très pénible.

2. Colère : Grande colère. Période de questionnements.

3. Marchandage : Phase de négociations, de chantage.

4. Dépression : Phase plus ou moins longue caractérisée par une grande tristesse, des remises en question, de la détresse. On croit que cette phase ne se terminera jamais car une grande gamme d'émotions a été vécue et la tristesse est grande.

5. Acceptation : Dernière étape. On reprend du mieux. La perte est mieux comprise et acceptée. L'on peut vivre encore de la tristesse, mais la vie est réorganisée en fonction de la perte. 

Je bascule entre la colère et la dépression. L'acceptation n'est pas encore là. Elle viendra j'imagine. Il le faut. Il y a des journées ou je me sens parfaitement bien ! Et des moments ou je me terrerais chez-moi sans voir âme qui vivent. J'ai hâte de retrouver une sérénité, un bonheur de vivre. L'espoir refait son chemin dans mon esprit et dans mon coeur. La foi en autre chose de plus grand que nous aussi. J'ai remis ma fille entre les mains de Dieu. Car moi, je suis impuissante face à sa maladie.

 



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